• Après la Seconde Guerre mondiale....

    Après la seconde Guerre Mondiale, le Canada eut une transition très rapide entre son isolationnisme d'avant guerre et son désir de jouer un rôle dans les missions des organisations multilatérales. En dépit de l'enthousiasme des diplomates canadiens, ils ne réussirent que très rarement à faire entendre leur voix auprès des grandes puissances et durent fréquemment adopter des positions plus modérées qu'ils l'auraient aimé pour garder le soutien des Etats-Unis. Il apparut rapidement que le Canada se contenta de changer de partenaires et abandonna la Grande Bretagne, puissance en déclin, pour se tourner vers son plus proche voisin, les Etats-Unis.

    Les diplomates canadiens n'étaient pas tant concernés par le sort des populations des pays en conflit mais plus par ce qu'allaient penser Washington et Londres de leurs actions. Ainsi, quand le Canada tenta de se surpasser et d'accomplir des exploits jamais égalés par une puissance moyenne, ce pays y voyait souvent son propre intérêt.

    Lester Pearson, St Laurent et E.L.M. Burns firent leur possible pour améliorer le fonctionnement des Nations Unies et en dépit de leur déception face aux conclusions de la Conférence de San Francisco, ils gardèrent foi dans cette organisation internationale et continuèrent à s'y investir. Ainsi, il ne faut pas tomber dans le piège de juger l'impact que le Canada a eu dans les missions de l'ONU en le comparant à celui des Grandes Puissances. C'est une puissance de taille moyenne qui joue donc un rôle en lien avec son statut. Et si l'on compare le rôle du Canada à celui des autres puissances moyennes, il joua un rôle important. On peut donc dire que le Canada en s'investissant dans l'ONU réussit un exploit inégalés auparavant puisqu'il n'avait jamais pris part à de telles missions. Il s'agit également d'une entreprise extrême pour cette puissance car le contexte et ses relations étaient tels qu'il fallait savoir négocier habilement pour obtenir des résultats même minimes. En effet, chaque mission est extrême car chaque conflit est unique et nécessite donc une solution propre qui ne peut être prévue à l'avance dans les moindres détails. Les situations ne peuvent être imaginées parfaitement et chaque mission constitue donc un exploit nouveau et jamais égalé. Et s'investir ne serait-ce que modérément dans une mission de maintien de la paix est en soi un exploit.

    Avec la mise en place de l'ONU en 1945, le Canada commença à jouer le rôle de gardien de la paix dans le jeu de la politique internationale. Il se rendit bien vite compte que ce jeu est cynique. Dans les premiers temps de l'ONU les diplomates canadiens s'engageaient dans des missions extrêmes de l'ONU dans un esprit d'idéalisme. Mais, à de nombreuses reprises, la Guerre Froide, la rivalité entre les Grandes Puissances empêcha le Canada de s'investir efficacement dans ces missions. Et, la situation après la mise en place des deux missions de l'ONU en Corée et dans le Canal de Suez fut loin d'être parfaite. Ainsi, la Corée reste aujourd'hui encore divisée et la situation au Moyen Orient est toujours tendue.

    Par conséquent, les Canadiens sont plus cyniques aujourd'hui et ne vont plus dire comme dans les années 50 : « N'est-ce pas merveilleux, le Canada prend part à une autre action pour le maintien de la paix ? » Ils n'ont plus cet esprit. Désormais ils disent : « Est-ce que cela va vraiment marcher ? » (CBC TV, 20 novembre, 1973) En d'autres termes avant de s'investir dans le maintien de la paix, il regardent leur propre intérêt et se demandent si la mission est possible.


    votre commentaire
  • LA GUERRE DE COREE ET LA CRISE DE SUEZ

    Au cours de la Guerre Froide, les opérations pour rétablir la paix étaient souvent limitées à cause du contexte international et les possibilités d'action étaient généralement réduites. Il était par exemple très difficilement possible d'intervenir dans un conflit sans le consentement des partis impliqués ce qui nécessitait des négociations importantes avant la mise en place d'une opération de l'ONU sur le terrain.

    Le Canada participa aux missions de l'ONU en Corée et pour résoudre la Crise de Suez. Le caractère de jamais vu des missions qui vont être mises en place pour rétablir l'ordre explique que l'on se concentre sur ces deux épisodes. De plus, le Moyen Orient et la Corée restent aujourd'hui encore des zones de tension dont on entend fréquemment parler à cause des conflits géopolitiques sans cesse en éruption dans ces deux régions.

    La Guerre de Corée

    La Guerre de Corée et le rôle que les Américains y ont joué sont souvent mentionnés dans les livres d'histoire. Ce que les diplomates canadiens ont apporté à travers leurs représentants aux Nations Unies pendant ce conflit est cependant rarement expliqué. On peut donc se demander comment cette puissance moyenne s'est lancée dans cette aventure extrême et quel a été son investissement.

    A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les communistes prirent le nord de la Corée tandis que des forces soutenant les démocraties occidentales contrôlèrent le Sud. Pour trouver  une solution à ce début de conflit, une commission fut créée : la Commission Temporaire des Nations Unies sur la Corée (CTNUC). Son but était de travailler à l'unification des deux parties de la Corée et d'instaurer des élections au nord comme au sud (Ted Barris, 1999).

    En dépit de l'évident soutien que le gouvernement canadien avait donné pour la conférence de San Francisco, la participation du Canada dans cette commission était loin d'être évidente et le premier ministre King s'opposa longtemps à tout investissement malgré la volonté de St Laurent alors Ministre des Affaires Extérieures et de Lester Pearson, Secrétaire aux Affaires Extérieures (Lester Pearson, 1973, p 135-136). St Laurent considérait que le Canada se devait de trouver une solution au sein de l'ONU pour résoudre la guerre de Corée (Robert Bothwell, 1998, p 67). Il était donc particulièrement impliqué dans cette organisation sur le plan théorique tout au moins. En effet, la pratique s'avéra être une autre affaire et en dépit de l'enthousiasme et de l'idéalisme des diplomates canadiens, ils durent rapidement apprendre qu'une puissance de taille moyenne comme le Canada est limitée dans ses actions.

    Ce ne fut qu'après de longues négociations qui impliquèrent également le Président Truman que King consentit à ce que le Canada participât à la Commission Temporaire. Cependant il indiqua clairement qu'il souhaitait ne pas être le représentant de son pays à cette commission et  nomma le Général MacNaughton qui avait déjà participé à la Seconde Guerre Mondiale. Le Canada eut donc la possibilité théorique de jouer un rôle dans cette commission.

    Malgré les négociations entreprises par les membres de la Commission, l'accès à la Corée du Nord ne put être accordée. Les élections ne pouvaient donc se dérouler dans le Nord. Les Etats-Unis proposèrent alors qu'elles soient maintenues mais sans la partie Sud seulement. Lester Pearson s'opposa à cette idée car selon lui elle risquait d'entraîner une division permanente de la Corée (Lester Pearson, 1973, p 145). Le Canada, par l'intermédiaire de Pearson, prenait donc position dans cette mission et adoptait une attitude ni influencée par la Grande Bretagne ni par les Etats-Unis : c'était son propre choix, une décision dictée uniquement par ses convictions. Mais, cette attitude ne dura pas longtemps puisque le Canada décida bientôt de soutenir la proposition des Etats-Unis. Il est donc difficile de parler d'une prise de position et d'affirmer que le Canada est l'anti-modèle des Etats-Unis. En effet, si pour la première le Canada avait la possibilité de se lancer dans une organisation internationale pour le maintien de la sécurité collective, et si ce pays pouvait désormais agir sans le consentement de la Grande Bretagne, il devenait dépendant sur le plan économique et militaire d'une autre puissance, les Etats-Unis, et devait donc prendre en compte leur position (Denis Stairs, 1990, p17-8). Le gouvernement canadien pensait en effet qu'en soutenant les propositions du gouvernement américain à l'ONU, il serait ainsi possible d'influencer ou tout au moins de modérer la politique américaine. Ainsi cette puissance moyenne ne s'inquiétait pas tant pour le peuple Coréen  mais essentiellement pour ses relations avec les Etats-Unis et était motivé par la crainte que l'invasion nord coréenne ne devienne le début d'une invasion communiste dans le reste du monde.

    Peu après les élections qui eurent pour conséquence de diviser encore plus profondément la Corée, l'armée de la Corée du Nord envahit la Corée du Sud à la grande surprise du monde occidental et leur invasion fut couronnée de succès dans les premiers temps. La réaction Américaine fut rapide. Ainsi, le Président Truman demanda aux Nations Unies de mettre fin à l'invasion et exigea l'envoi de troupes en Corée pour repousser les Nord Coréens. Et, le 27 Juin 1950, avec le soutien des Etats-Unis, le Conseil de Sécurité de l'ONU adopta une résolution demandant le soutien militaire des membres de l'ONU pour aider la Corée du Sud. Cette opération devait être placée sous le commandement des Etats-Unis (Herbert Fairlie Wood, 1966, p10).

    St Laurent, devenu Premier Ministre, et d'autres membres du gouvernement hésitèrent longtemps avant d'envoyer des troupes en Corée et finirent par accepter car les Etats-Unis mirent la pression sur Ottawa (Greg Donaghy, 2001, p75). Le gouvernement commença même à craindre un retour à l'isolationnisme américain puisque les Etats-Unis menaçaient d'intervenir seul en Corée. En d'autres termes on peut affirmer que, pendant la guerre de Corée, le Canada se subordonna aux intérêts américains. La pression américaine sur le Canada souligne le manque d'autonomie de ce pays et prouve que cette puissance moyenne ne pouvait se permettre d'aller à l'encontre des intérêts américains. Ainsi, si les Etats-Unis n'avaient pas exercé une pression, on peut se demander si Ottawa aurait décidé d'envoyer des troupes car rien ne laissait présager une telle attitude (Reg Whitaker, 1994, p391).

    Ottawa se mit donc à recruter des volontaires pour la mission de l'ONU en Corée. Les raisons quant à l'engagement des volontaires sont très diverses : certains espéraient ainsi gagner plus d'argent ou encore aller à l'aventure et découvrir le monde. Peu cependant mentionnent comme raisons un désir de faire partie d'une mission de l'ONU[1] dans le but de rétablir la paix.

    De nombreux volontaires s'engagèrent et le Canada est l'une des puissances moyennes à avoir envoyé le plus de contingents. 27 000 officiers et hommes de l'armée canadienne servirent en Corée. Le Canada fut le troisième pays après les Etats-Unis et la Grande Bretagne à avoir participé à la guerre de Corée qui fut le troisième conflit le plus coûteux dans l'histoire du Canada (Brent Byron Watson, </em />2004, p176). Cependant il faut se demander si le nombre fait la force et si d'autres critères ne sont pas à prendre en compte dans l'évaluation du rôle du Canada dans cette mission extrême.

    D'un côté, les volontaires canadiens s'engagèrent dans une grande variété de tâches : certains faisaient partie des troupes militaires alors que d'autres avaient en charge la partie administrative. Le rôle des vétérans ne doit donc ni être oublié ni être mis de côté (Patricia Giesler, 1985, p 25). En effet, ils parvinrent à réaliser beaucoup avec les moyens mis à leur disposition. Leurs conditions de vie étaient dures, et leur connaissance du terrain très limitée. Mais il faut faire attention à se replacer dans le contexte historique, à une époque donc où les moyens de communication étaient moins développés que de nos jours.

    Les soldats canadiens étaient cependant fréquemment mal équipés et mal préparés aux conditions de combat en Asie. Leurs armes légères étaient souvent des modèles anciens et peu perfectionnés et lorsque les armes étaient récentes, leur nombre était largement insuffisant (Brent Byron Watson, </em />2002, p177). Ce manque important pour avoir des troupes pleinement efficaces indique que le gouvernement Canadien envoya certes des hommes en grand nombre mais ne dépensa pas un budget suffisant pour les équiper. On peut donc affirmer qu'Ottawa ne s'impliqua qu'en surface. Cela peut s'expliquer également par le fait que pendant la guerre de Corée, le gouvernement s'investissait militairement à la fois dans les missions de l'ONU et dans les missions de l'OTAN et qu'il fallait accroître le nombre de soldats ainsi que le budget de l'armée qui avait été fortement réduit après la Seconde Guerre Mondiale.

    C'est au cours de la Guerre de Corée que les Américains proposèrent de faire voter par l'ONU une proposition importante pour optimiser le fonctionnement de cette organisation : l'Union pour le Maintien de la Paix. Le Conseil de Sécurité de l'ONU avait eu jusque là comme rôle principal, la résolution de conflits. Toutefois, en raison des droits de veto, sa capacité d'agir pouvait être bloquée par n'importe quel membre permanent. Les États-Unis proposèrent donc que l'Assemblée Générale des Nations Unies (dont les décisions sont prises par consensus majoritaire sans droit de veto) ait le pouvoir d'agir lorsque le Conseil de Sécurité ne réussissait pas à remplir ses fonctions de préservation de la paix, qu'elle soit autorisée à se réunir dans un court délai et à recommander une action collective, action qui pourrait comprendre l'utilisation de la force au besoin, si le Conseil de Sécurité s'avérait incapable de prendre des mesures.

    Pearson et le Canada appuyèrent fortement la résolution puisqu'elle revenait sur une de leurs premières préoccupations dès la création de l'ONU à San Francisco, soit le problème du veto. Les Américains s'inspiraient donc d'une idée des diplomates canadiens ce qui montre qu'ils avaient des opinions intéressantes et avaient la possibilité d'influencer l'organisation de l'ONU. Et cette résolution fut adoptée par l'Assemblée Générale le 3 novembre 1950.

    En dépit des efforts et de l'avancée des troupes de l'ONU, celles-ci furent mises en échec suite à une offensive de Chine qui apportait ainsi son soutien à la Corée communiste. Les Etats-Unis voulaient que la Chine soit déclarée immédiatement comme un agresseur mais ce n'était pas le cas du Canada qui cherchait au contraire à localiser le conflit. Ottawa fit donc savoir aux autres membres de l'ONU qu'il était important de chercher à négocier avec le gouvernement Chinois pour stabiliser la situation militaire et obtenir ensuite un cessez-le-feu. Ainsi le gouvernement allait à l'encontre des désirs des Etats-Unis et son attitude montre bien sa volonté d'amener la paix et de cesser les conflits armés. Cette puissance moyenne se posait donc ici en anti-modèle des Etats-Unis.

    Le président de l'Assemblée Générale, Nasrollah Entezam d'Iran, fut autorisé à mettre en place un comité pour négocier le cessez-le-feu et régler la situation avec la Chine. Il invita Lester Pearson à y prendre part. Cette participation montre que le Canada avait définitivement abandonné sa politique isolationniste et que son rôle et ses capacités de négociateur étaient reconnus par les autres puissances moyennes.

    Cependant, la tâche de ce comité apparut vite comme difficile et sans beaucoup de succès : le représentant de Pékin refusa de rencontrer les membres du comité dans les premiers temps. Grâce aux négociations, Pékin devint moins intransigeant et un rapport fut donc rédigé en grande partie par Pearson qui contenait les changements importants pour aboutir à une résolution de l'affaire.

    Le Ministre Chinois des Affaires Etrangères promit de retirer ses troupes. Ottawa le jugea sincère mais les Américains n'étaient pas du même avis et soulignaient que le Canada avait agi de manière contraire à leur volonté. Les Etats-Unis continuèrent donc à faire pression pour faire passer une résolution indiquant que la Chine était un agresseur. Lester Pearson refusa cette résolution dans les premiers temps. Cependant il décida finalement de la soutenir et prit donc le même parti que les Etats-Unis. Une telle attitude montre que le Canada se trouvait souvent dans l'impossibilité d'avoir une décision différente de celle des Etats-Unis et que le terme de négociations infinies pour obtenir la paix doit donc être fortement nuancé.

    La Chine était donc désormais considérée comme un agresseur et la guerre de Corée s'installa progressivement dans un conflit long et coûteux où il n'y avait pas de place pour une puissance moyenne comme le Canada (Reg Whitaker, 1994,</em /> p387).

    Ainsi, ce ne fut pas avant l'hiver 1952 que le Canada eut l'occasion à nouveau  de prendre part aux négociations. En effet, en 1952, Lester Pearson fut élu président de l'Assemblée Générale et trouver une solution au conflit en Corée devint son travail principal tandis qu'il commençait à avoir de sérieux doutes quant à la politique des Etats-Unis (Lester Pearson, 1973, p184).

    Au cours des négociations concernant le sort des prisonniers de guerre, Pearson s'associa au représentant Indien. Et ils tentèrent ensemble de trouver une solution acceptable par tous les partis y compris les Etats-Unis.

    Le 27 Juillet 1953, l'armistice fut signé. Quand la guerre prit fin, 1 577 Canadiens avaient été blessés et 312 d'entre eux allaient mourir. Après la fin des négociations les forces canadiennes restèrent encore en place pendant quatre ans. Le diplomate Canadien Chester Ronning écrivit que le Président des Etats-Unis accepta finalement les propositions du Canada[2] (Reg Whitaker, 1994, p399). Cependant cette affirmation semble quelque peu exagérée dans la mesure où elle est difficile à vérifier puisque la littérature historique sur la période ne mentionne pas une présence Canadienne importante dans les négociations qui amenèrent la fin de la guerre (Denis Stairs, 1990, p159-205).

    Avec la Guerre de Corée, Ottawa prit véritablement conscience du prix à payer pour avoir le soutien militaire et économique des Etats-Unis. Et la possibilité d'une action indépendante et d'opinions différentes de celles des Américains a ainsi besoin d'être remise en question. En effet, lorsque les diplomates canadiens tentèrent de faire valoir leur avis si celui-ci était différent de l'opinion des Américains, ils se heurtèrent à des sentiments d'irritation face à ce que les Etats-Unis considéraient comme de l'insubordination (Reg Whitaker, 1994, p400). Au cours de la Guerre de Corée, les diplomates canadiens suivirent la politique américaine à plusieurs reprises et oublièrent de se demander si les Américains se préoccupaient quelque peu de ce que les diplomates canadiens en pensaient. Il faut également noter que le Canada était sans la puissance ou le prestige nécessaire pour mettre en place une politique qui créerait un système efficace de sécurité collective.

    La Crise de Suez

    La résolution de la crise de Suez fut soumise aux Nations Unies peu de temps après son commencement. Anthony Eden qui fut élu Premier Ministre en Grande Bretagne en 1955 espérait faire durer l'illusion quant à la puissance passée de son pays et ce, en dépit des difficultés économiques et militaires. En 1954, les troupes britanniques se retirèrent du canal de Suez qui restait la propriété d'une compagnie privée étrangère. Nasser qui était à la tête de l'Egypte et qui apparaissait comme un tyran comparé souvent à Hitler commença à tenir une politique qui irritait de plus en plus les puissances occidentales. Lorsque le gouvernement britannique annonça qu'il n'aiderait pas Nasser financièrement pour la construction d'un nouveau barrage, les relations entre les deux pays s'enflammèrent à nouveau. Suite à ce refus, Nasser nationalisa le canal de Suez, ce qui allait avoir une influence économique sur la Grande Bretagne mais aussi sur la France et Israël (Herman Finer, 1964 p 59). Ainsi, le 29 octobre 1956, les forces militaires britanniques, françaises et israéliennes débarquèrent sur le sol égyptien. Ils n'avaient cependant pas le droit de mener une telle action dans la mesure où elle violait la souveraineté de l'Egypte et où elle n'était pas soutenue par une organisation multilatérale comme les Nations Unies.

    La Grande Bretagne avait espéré que le Canada les soutiendrait. Cependant dès le début, Pearson et d'autres diplomates canadiens indiquèrent clairement qu'il n'en était pas question (Lester Pearson, 1973, p 228). Ainsi, pour la première fois, le Canada n'allait pas soutenir la Grande Bretagne dans une affaire de politique internationale ce qui montre un grand pas en matière d'autonomie. En effet, depuis le Statut de Westminster et la déclaration Balfour, le Canada avait légalement le droit d'agir ainsi mais ne s'était jamais ouvertement opposé à une action du gouvernement britannique. La crise de Suez apparaît donc comme une mission extrême et comme un exploit pour le Canada.

    Les diplomates canadiens comprirent rapidement qu'il fallait trouver une solution au conflit. Mais ce n'était pas tant le sort des Egyptiens qui les préoccupaient que l'apparition de tensions qui pouvaient avoir une répercussion importante pour le Canada. Il y avait ainsi le risque de division du Commonwealth car ses différents membres avaient des opinions opposées par rapport à l'action de la Grande Bretagne. La crise créa également des divergences importantes entre la politique des Etats-Unis et de la Grande Bretagne. Pour le Canada, il y avait donc le danger de devoir choisir entre la position des Etats-Unis et celle de la Grande Bretagne alors que ces deux pays restaient des partenaires importants (John Robinson Beal, 1964 p 109). Il fallait donc intervenir rapidement pour éviter un enlisement du conflit et une détérioration de la situation internationale. Ainsi, le Canada a certes la réputation d'être un modèle de générosité et de paix mais il n'en faut pas pour autant oublier que ce pays y trouve des intérêts bien personnels.

    Le 1er novembre 1956, une Assemblée Générale se réunit en session spéciale. Une résolution américaine fut présentée, exigeant un cessez-le-feu immédiat, un arrêt du mouvement des forces et un retour à la liberté de navigation dans le Canal de Suez.

    Cependant, Lester Pearson ne considérait pas cette résolution comme la meilleure et pensait qu'elle ne permettrait pas de maintenir la paix sur le long terme (John Robinson Beal, 1964, p 109). Les Etats-Unis ne laissèrent pas le temps au Canada de s'exprimer avant que la résolution ne soit votée. Une telle attitude indique que les Etats-Unis menaient les débats et que peu de pouvoir était laissé aux puissances moyennes comme le Canada. Et le 2 novembre 1956 la résolution fut donc adoptée par 64 voix contre 5 et 6 abstentions dont le Canada.

    Cependant, peu de temps après, Lester Pearson proposa la mise en place d'une force de paix internationale sous le nom de Force d'Urgence des Nations Unies (FUNU) (Abdel-Latif M. Zeidan, 1976, p 22) et il reçut le soutien des diplomates américains. On peut donc affirmer que si ces derniers n'avaient pas été favorables à la proposition, Pearson aurait probablement renoncé.

    Le Canada apparut comme un moteur possible dans la résolution de ce conflit dans la mesure où il n'avait pas d'intérêts économiques dans la région et n'avait pas de passé colonial. Lester Pearson était estimé aux Nations Unies comme en Grande Bretagne. Il avait été président de l'Assemblée Générale de 1952 à 1953 et connaissait donc parfaitement le fonctionnement de cet organe. Ses relations à Washington comme à Londres donnèrent de la force à sa proposition dans les deux capitales. De plus, le Canada avait déjà participé au maintien de la paix au Moyen Orient. Les Etats-Unis étaient également conscients que si ils proposaient officiellement une résolution pour la création d'une force d'urgence, cela risquerait de poser des problèmes à cause du contexte et des idéologies extrêmes de la Guerre Froide d'autant qu'ils proposèrent le 3 novembre 1956 deux résolutions qui furent rejetées. On peut aller jusqu'à affirmer que le commandement des Nations Unies semblait passer des mains des Grandes Puissances à celles des puissances de taille moyenne (Donald Cameron Watt, 1957, p 34). Le Canada eut donc la possibilité de prendre part à cette mission extrême dans la mesure où si les Grandes Puissances ne lui avaient pas laissé plus de liberté d'action, la situation serait restée bloquée.

    Lester Pearson fit preuve de grandes qualités de négociations pour faire accepter la Force d'Urgence. Sa proposition indiquait qu'une force devait être constituée et maintenue jusqu'à la signature d'un accord de paix et jusqu'à la mise en application de celui-ci (Lester Pearson, 1973, p 249).

    Il n'eut que peu de difficultés à convaincre le Secrétaire Général des Nations Unies mais la tâche fut plus difficile avec les membres du Cabinet. Le manque de soutien immédiat empêcha Pearson d'agir aussi rapidement qu'il l'aurait souhaité et montre également que tous ne soutenaient pas la participation active du Canada dans les missions extrêmes de l'ONU. Le chef de l'opposition Conservatrice, W. Earl Rowe, et Howard Green apparurent comme deux grands critiques de l'attitude de Lester Pearson. Et Howard Green alla même jusqu'à affirmer que le Canada devrait voter pour un gouvernement qui ne poignarderait pas le meilleur ami du Canada dans le dos. (John Robinson Beal, 1964, p 118) Ainsi le gouvernement Libéral de St Laurent était fortement critiqué pour son manque de soutien à la Grande Bretagne. On peut donc affirmer qu'une mentalité coloniale était encore présente.

    Malgré ces critiques, les membres du gouvernement Libéral apportèrent leur soutien à la proposition de Pearson : St Laurent ou encore Ralph Campney, Ministre de la Défense Nationale, encouragèrent Pearson.  Ainsi, après un débat de quelques heures, les membres du Cabinet donnèrent leur approbation. Cependant, les Etats-Unis restaient sceptiques. Il fallut accepter leur désir de légère modification concernant la proposition initiale de Pearson. Ainsi, celle-ci fut certes initiée par Pearson mais les Etats-Unis ne purent s'empêcher de la modifier avant de donner leur accord.

    Pendant la nuit du 3 au 4 novembre 1956, la résolution fut approuvée par 57 pays et 19 pays décidèrent de s'abstenir. La Force d'Urgence de Nations Unies fut donc établie et composée de 6 000 soldats et le Ministre de la Défense recommanda d'envoyer 1 000 soldats canadiens. Le Major Général canadien E.L.M. Burns fut nommé commandant en chef. Qu'un Canadien soit nommé à la tête de cette force, est une preuve de la reconnaissance quant à l'investissement du Canada pour la mise en place de cette Force d'Urgence (Ralph Campney, 1956, p 56).

    Cependant les Canadiens n'étaient pas au bout de leurs problèmes dans leur désir de participer militairement à cette mission. En effet, Nasser était fortement réticent à accepter un contingent constitué de soldats canadiens. Et lorsque ceux-ci arrivèrent brandissant fièrement le même insigne blanc que la Marine Royale Britannique, les Egyptiens menacèrent de faire couler leur bateau qui était à peine différent de celui des Britanniques (Lester Pearson, 1973, p261). D'autres raisons peuvent expliquer une telle attitude de la part de Nasser. En effet, le régiment qui avait été envoyé en Egypte, les Queen's Own Rifles, marchait derrière un drapeau ayant un rappel du drapeau Britannique. De nombreuses infanteries avaient dans leur nom la mention d'un mot faisant référence à la royauté. Les uniformes canadiens ressemblaient à ceux des Britanniques. De telles appréhensions de la part des Egyptiens quant à la venue de soldats canadiens montrent que le Canada était encore associé à l'ancienne puissance impériale britannique dans les esprits.

    Nasser finit par affirmer qu'il était préférable de renoncer à la présence des Canadiens dans la force d'urgence. En dépit des négociations menées par Lester Pearson et d'autres diplomates canadiens ou non, Nasser s'obstina et E.L.M. Burns affirma finalement qu'il serait préférable pour les Canadiens de participer de manière administrative et médicale à cette mission puisque l'on manquait de personnel dans ces deux domaines (E.L.M. Burns, 1976).

    Le soir du 6 novembre, la Force d'Urgence des Nations Unies fut déployée sous le commandement Général Burns qui joua un rôle important et avait déjà une expérience dans les problèmes politiques et logistiques de cette région. En effet, il avait précédemment commandé une mission de l'ONU basée à Jérusalem en 1954. Selon lui, peu importaient les imperfections de l'ONU, l'idéal pour la prévention d'une guerre qui pourrait détruire le travail et la pensée d'un nombre incalculable d'hommes et d'années se trouvait dans la Charte des Nations Unies. Il ajouta également que toute personne qui croyait en cet idéal avait le devoir de mettre tout en œuvre pour que cet idéal devienne une réalité. Une telle affirmation montre que Burns était pleinement conscient de la nécessité de travailler en collaboration rapprochée avec les Nations Unies et souhaitait s'investir activement dans les missions pour le maintien de la paix.

    Les négociations pour obtenir le retrait des troupes Israéliennes demandèrent beaucoup de temps et le Général Burns réussit à les mener avec prudence et diplomatie. Il négocia habilement avec le commandant Israélien, le Général Moshe Dayan qui était très réticent au début. Le retrait eut effectivement lieu, cependant les tensions réapparurent peu de temps après. Ainsi, le succès de Burns fut mitigé.

    La crise de Suez représenta à la fois des risques et une opportunité pour le Canada. Le gouvernement démontra qu'il était possible de participer à des missions extrêmes pour des puissances de taille moyenne dans la mesure où elles n'étaient pas autant emprisonnées dans des conflits idéologiques que les Grandes Puissances (Barbara McDougall, 1992, pX). Cette crise peut apparaître comme une victoire pour l'homme qui contribua à la mise en place de la Force d'Urgence des Nations Unies et qui reçut pour cela le Prix Nobel de la Paix en 1957 (Costas Melakopides, 1998, p40).

    Cependant, le rôle de Lester Pearson a besoin d'être nuancé et certains historiens allèrent même jusqu'à affirmer que son investissement et ses liens avec les Etats-Unis contribuèrent à la victoire des Conservateurs dans l'élection de 1957 (J.L. Granatstein, 2004, p32). En effet, dans cette crise, le gouvernement ne donna pas son soutien à la Grande Bretagne, la mère patrie encore pour certains notamment pour les Conservateurs (Lester Pearson, 1973, p 272).

    De plus, la mise en place de la Force d'Urgence des Nations Unies fut loin d'être parfaite et c'est probablement l'une des raisons qui peut expliquer qu'en 1967 le conflit réapparut entre l'Egypte et Israël et que l'Egypte exigea le retrait total des membres de la Force d' Urgence des Nations Unies.

    La Force d'Urgence des Nations Unies est un exemple important qui montre à la fois l'importance et les limites des forces de maintien de la paix de l'ONU. En effet, cette mission réussit à mettre fin à une guerre qui aurait pu devenir particulièrement destructrice mais en l'absence d'autres efforts pour maintenir la paix, le conflit reste aujourd'hui encore irrésolu.



    [1] Remarque établie suite aux entretiens personnels avec trois vétérans de la Guerre de Corée : D.R. Soper le 14 Juin 2004 à Winnipeg, Canada; Harold Joseph Payne le 15 Juin 2004 par téléphone; Robert Ernest Long le 16 Juin 2004 par téléphone

    [2] “The President of the </em /><country-region />

    United States</em /></place /></country-region /> finally accepted the Canadian view and ordered the American representatives at Panmunjom</em /></place /> to offer armistice terms as endorsed by the UN.”</em />


    votre commentaire
  • LA CONFERENCE DE SAN FRANCISCO</strong />

    Le Canada décida de s'investir dans la Conférence de San Francisco qui marqua la création des Nations Unies avec la mise en place de la Charte. L'établissement de l'ONU appartient au domaine de l'extrême. En effet, pour la première fois des pays décidèrent de créer une organisation pour le maintien de la paix et étaient désireux de se donner les moyens d'y parvenir. Cette volonté et le début de cette aventure marquèrent un exploit. On peut aller jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un double exploit pour le Canada puisque cette puissance moyenne abandonnait par la même occasion sa politique isolationniste.

    Cependant, dès les premières négociations, le rôle que le Canada réussit à jouer doit être nuancé. En effet, le gouvernement canadien n'avait pas de représentants aux discussions qui menèrent aux propositions de Dumbarton Oaks, bases de la Conférence de San Francisco. Par conséquent, les informations qu'il réussit à se procurer furent transmises par le biais des représentants de la Grande Bretagne. Il est donc fort probable que les renseignements se limitèrent à ce que les britanniques acceptèrent de communiquer et étaient teintés de leur opinion.

    La participation du Canada à la conférence de San Francisco reçut cependant un soutien très important ce qui montre que cette puissance moyenne avait un désir marqué de prendre part aux missions de cette organisation internationale. En effet, lorsque le gouvernement libéral de l'époque demanda au Sénat ce qu'il pensait de la participation du Canada, celui-ci apporta son soutien unanime à la proposition et 200 contre 5 des membres du parlement à la chambre des Communes donnèrent leur approbation (Tom Keating, </em />2002, </em />p30). Ainsi, la participation du Canada à la Conférence de San Francisco ne fut pas le résultat d'un soutien isolé mais bien d'une volonté globale de l'ensemble des politiciens et diplomates canadiens.

    De plus, ce désir apparut également au sein de la population dans la mesure où de nombreuses émissions de radio et de télévision de la CBC (Canadian Broadcasting Corporation) décrivirent en détails en quoi consistait le Conférence et sensibilisèrent le public. (F.H. Soward, 1956,</em /> p 15)

    L'investissement du Canada dans cette mission extrême que constitua la création de l'ONU fut donc le résultat d'un consensus et d'une explication importante qui marqua le désir croissant d'avoir un rôle à jouer dans cette nouvelle organisation internationale. Cependant on doit se demander si ce soutien fut assez pour donner du poids aux volontés du Canada pendant l'élaboration de la Charte des Nations Unies.

    Au cours de la Conférence de San Francisco, les diplomates canadiens souhaitaient la mise en place de certains changements par rapport aux propositions de Dumbarton Oaks qui servaient de base aux négociations. En effet, ils espéraient entre autre réduire les pouvoirs donnés aux grandes puissances et accroître la voix des puissances moyennes et minimiser le droit de veto des membres permanents du Conseil de Sécurité. Mais le bilan apparut fort nuancé.

    Lester Pearson, le représentant du Canada à la Conférence de San Francisco, voulait donner plus de pouvoir à l'Assemblée Générale dans la mesure où elle compte plus de membres que le Conseil de Sécurité (Report on the United Nations Conference on International Organi</em />zation, 1945, p 24). Il initia l'idée selon laquelle toute décision prise par le Conseil de Sécurité devrait être ratifiée par une majorité à l'Assemblée Générale.

    Cependant il n'obtint pas gain de cause. En effet, sa proposition ne fut qu'en partie incorporée dans l'article 24(3)[1] qui stipule que le Conseil doit informer périodiquement l'Assemblée dont les pouvoirs demeurent donc très limités. Les Grandes Puissances qui siègent au Conseil de Sécurité ont encore le pouvoir décisionnel et cet article est donc loin de ressembler à ce que le Canada aurait souhaité. Cela montre donc qu'il était très difficile pour ce pays d'entrer en compétition avec les Grandes Puissances au cours de la mise en place des Nations Unies : Ottawa devait faire attention à ne pas froisser les Grands et en particulier les Etats-Unis par peur de perdre leur protection.

    Les représentants de cette puissance moyenne voulaient également que les pays soient invités à prendre part aux discussions du Conseil de Sécurité lorsque l'utilisation de leurs forces était demandée (Tom Keating, 2002, p 26). Cette proposition montre qu'ils souhaitaient avoir leur mot à dire dans cette organisation et qu'ils voulaient également que les Nations Unies ne deviennent pas une organisation où les grandes puissances commanderaient les puissances moyennes et leur imposeraient leur décision. La position du Canada soutenue par le Premier Ministre fut partiellement incorporée dans l'article 44[2] de la Charte (Report on the United Nations Conference on International Organization</em />, 1945, p 38). Cependant, comme l'exemple de la Guerre de Corée le montrera, il resta souvent purement théorique et le Canada fut à de nombreuses reprises encouragé par les Etats-Unis voire même contraint à envoyer ses troupes dans des missions pour conserver le soutien de son proche voisin. Et pourtant, cet article existe bien et il permet de limiter les pressions exercées sur les pays quant à l'envoi de troupes. Il joue donc un rôle de modération même s'il n'est pas toujours appliqué à la lettre.

    Le cas des pouvoirs confiés à l'Assemblée Générale et l'utilisation des forces des membres indique que le Canada ne parvint pas, en dépit des négociations à obtenir exactement ce qui était souhaité. Cependant, les articles initiaux furent modifiés partiellement grâce aux talents habiles de Lester Pearson et d'autres diplomates canadiens. Ils auraient probablement dû s'acharner davantage pour obtenir gain de cause puisque les difficultés que l'ONU traversent aujourd'hui remontent en grande partie à son fonctionnement initial. Mais il faut garder à l'esprit que le contexte politique était tendu et que les diplomates canadiens ne pouvaient se permettre d'exiger que leurs propositions soient acceptées entièrement. Les changements apportés aux articles de la Charte modèrent quelque peu l'influence des Grandes Puissances et constituent ainsi un premier exploit pour le Canada.

    Malgré des débuts hésitants et des critiques quant au fonctionnement de l'ONU, le Canada et en particulier le futur Premier Ministre, St Laurent, gardèrent espoir en cette organisation (F.H. Soward, 1956, p 99) et cette puissance moyenne fut élue comme membre provisoire du Conseil de Sécurité entre janvier 1948 et décembre 1949. Au cours de l'élection au Conseil de Sécurité de l'ONU, les membres de l'Assemblée doivent prêter attention à la contribution des pays au maintien de la paix et de la sécurité. Ainsi, l'élection du Canada indique que cette puissance moyenne était investie dans les missions de maintien de la paix et qu'elle y jouait un rôle important.



    [1] Article 24(3) : « Le Conseil de sécurité soumet pour examen des rapports annuels et, le cas échéant, des rapports spéciaux à l'Assemblée générale. »

    [2] Chapitre VII, Article 44 : « Lorsque le Conseil de sécurité a décidé de recourir à la force, il doit, avant d'inviter un Membre non représenté au Conseil à fournir des forces armées en exécution des obligations contractées en vertu de l'Article 43, convier ledit Membre, si celui-ci le désire, à participer aux décisions du Conseil de sécurité touchant l'emploi de contingents des forces armées de ce Membre. »

     


    votre commentaire
  • LE CANADA ET SON INVESTISSEMENT INTERNATIONAL</strong />

    La Ligue des Nations

    Après la fin de la Première Guerre Mondiale, en 1919, la Ligue des Nations fut établie pour empêcher de nouveaux conflits mondiaux. Cette organisation à laquelle le Canada prit part indépendamment de la Grande Bretagne fut un premier début vers les missions extrêmes de l'ONU où le Canada désirait faire entendre sa propre opinion sur les solutions pour maintenir la paix. En effet, les diplomates du Département des Affaires Extérieures exigèrent que toutes les communications de la Ligue soient adressées à Ottawa et non à Londres, ce qui contribua à affirmer l'identité du Canada comme acteur international. Une participation distincte de celle de la Grande Bretagne fut un pas important qu'effectua le Canada vers une politique étrangère indépendante et vers un rôle dans les organisations multilatérales qui seraient créées après la Seconde Guerre Mondiale (Robert Bothwell, 1987, p 231).

    Une des raisons qui expliquent la participation du Canada dans la Ligue peut également s'appliquer au cas des Nations Unies et l'on peut donc déjà affirmer que si ce pays s'investit dans des négociations infinies pour le maintien de la paix, ce ne fut pas uniquement désintéressé mais qu'il y trouvait son intérêt. Ainsi, le gouvernement canadien considéra cette organisation comme un moyen d'établir sa puissance souveraine dans un contexte international. Il y avait cependant un manque quasi-total d'intérêt pour les buts de la Ligue à savoir empêcher la répétition de conflits (Robert Bothwell,1989, </em />p235.). On peut donc en conclure que la Ligue des Nations fut vue principalement comme une organisation fort utile pour établir dans les consciences l'indépendance du Canada. De plus, les nombreux défauts de cette organisation et l'indifférence du gouvernement quant à une participation active dans les affaires de l'Europe expliquent pourquoi bien qu'un premier pas vers le multilatéralisme des organisations d'après guerre, le rôle du Canada ne peut véritablement être qualifié d'extrême dans la mesure où il ne prit part à aucune mission inégalée et où il resta en retrait des grandes décisions qui pouvaient y être prises.

    Le Premier Ministre MacKenzie King et la Seconde Guerre Mondiale

    Les missions auxquelles le Canada participa au sein de l'ONU peuvent être qualifiées d'extrêmes par rapport aux relations internationales passées du Canada. En effet, le Premier Ministre, MacKenzie King (1921-1930 ; 1935-1948), rejeta pendant longtemps l'utilité d'un investissement du Canada dans les organisations multilatérales. Et il se borna à considérer son pays comme éloigné de tout conflit ou de toute région où une crise pouvait avoir lieu. En d'autres termes, il voyait le Canada comme une puissance pacifiste et comme un havre de paix loin de tout danger (Robert Bothwell, </em />1989,</em /> p235).

    La situation commença à changer avec la Seconde Guerre Mondiale. Quand King fut à nouveau élu premier ministre en 1935, Hitler était en train de réarmer l'Allemagne. Si la guerre se déclarait en Europe, il souhaitait que le Canada fasse tout pour rester en dehors de toute participation : il se sentait rassuré car son pays était protégé par la France et la Grande Bretagne. Et si un ennemi débarquait sur le sol Canadien, son pays serait aidé par les Etats-Unis. Cependant, après la défaite française, la Grande Bretagne était seule et il apparut aux représentants canadiens qu'ils n'avaient d'autre choix que d'intervenir. Par conséquent, après deux décennies au cours desquelles le Canada avait prétendu n'avoir aucune politique étrangère, ce pays pacifiste se lançait dans la guerre aux côtés des Britanniques et des Américains et le gouvernement de King reçut les encouragements de tous les partis politiques du Canada (Alastair MacDonald, 1968, p 96).

    En dépit de l'importante participation militaire en matériel et en hommes, le Canada manqua d'autonomie car il dépendait de la Grande Bretagne ou des Etats-Unis pour le commandement et l'entraînement de ses hommes. Et la nouvelle attitude du gouvernement après la Seconde Guerre Mondiale fut une des conséquences de ce conflit où le Canada avait eu l'impression de contribuer beaucoup en restant sous le contrôle d'autres puissances. Ce pays décida donc de s'investir plus activement et d'essayer d'avoir son mot à dire pour faire valoir son opinion dans les futures organisations internationales et dans leurs missions extrêmes.

    La Guerre eu également d'importantes conséquences psychologiques sur la population canadienne qui tira une leçon des années trente : en poursuivant une politique isolationniste et en ne se préoccupant pas ou très peu de l'état du monde et des conflits naissants, le Canada partageait le sentiment de culpabilité des démocraties occidentales qui n'avaient rien fait pendant la signature des accords de Munich et pendant la mise en place de la doctrine d'apaisement en septembre 1938. En effet, le Premier Ministre Britannique, Neville Chamberlain, accepta la demande d'Hitler qui souhaitait que la Tchécoslovaquie soit cédée à l'Allemagne et le Canada donna son soutien à la décision britannique (Costas Melakopides, 1998, p 37). Ottawa prenait donc conscience de l'importance de se comporter comme un modérateur et de mettre fin aux conflits le plus rapidement possible, sentiments et volonté qui allaient être présents dans les années à venir.

    La leçon de l'après-guerre fut donc claire : le Canada devait tout mettre en son pouvoir  pour encourager la formation d'organisations qui s'investiraient au maintien de la sécurité collective. En conséquence, l'isolationnisme du Premier Ministre s'estompa à la fin de la guerre et King commença à encourager la formation des Nations Unies (Report on the United Nations Conference on International Organization</em />, 1945 p 11).

    La Guerre Froide

    Le début de la Guerre Froide joua également un rôle moteur dans le désir du Canada de prendre part à cette mission extrême que constitua l'entreprise des Nations Unies. Pendant la période d'avant-guerre, le Canada se considérait comme un des pays les plus sûrs du monde : sur le plan géographique, il était éloigné des points sensibles de l'Europe et de l'Asie. Mais dans le monde qui émergea après 1945, cette puissance moyenne se trouva littéralement pris entre les deux géants du moment : les Etats-Unis et l'Union Soviétique. Suite aux avances technologiques, le Canada était à portée des missiles qui pouvaient être lancés des autres continents. Ainsi, ce pays prit conscience qu'il pouvait être l'objet d'une attaque et qu'il s'agissait d'un endroit avec une grande importance stratégique (F.H. Soward, 1956</em />, p 100). La nécessité  de se protéger et de s'unir avec les nations du monde libre expliqua en grande partie la décision du Canada de s'investir dans les missions extrêmes de l'ONU. De plus, c'était une occasion de montrer qu'ils étaient avec les Etats-Unis dans la mesure où cette puissance jouerait un rôle important, voire même parfois un rôle de commandeur au sein de cette organisation et c'était ainsi un moyen de s'assurer de leur protection.

    L'atmosphère de crainte face à une attaque communiste obligea le Canada à s'investir dans l'ONU pour œuvrer au maintien de la paix. Ce fut donc en partie pour sa propre sécurité et sa protection que le Canada devint membre des Nations Unies. En d'autres termes, influencer les Nations Unies : oui mais pour le bien du Canada avant tout.

    De plus, pendant la Guerre froide, le maintien de l'ordre et de la paix nécessitait souvent les services de puissances moyennes dont le Canada faisait partie. En effet le principal avantage de ce pays était son incapacité à effrayer ou à commander (Peyton V. Lyon, 1979, p13) dans la mesure où il n'avait ni de passé colonial ni la réputation d'être un conquérant contrairement à son voisin américain. De telles caractéristiques avaient la capacité de rassurer des pays du Moyen Orient ou d'Asie. Le Canada pouvait donc jouer un rôle spécial de négociateur dans les missions extrêmes à l'ONU.

    Les Etats-Unis et leur relation avec le Canada

    Dans l'entre-deux-guerres, le Canada gagna la possibilité d'avoir sa propre politique internationale et ne fut plus obligé de suivre celle de la Grande Bretagne. Ainsi, grâce au rapport Balfour (1926) et aux Statuts de Westminster (1931), le Canada gagna son indépendance et eut la possibilité de rejoindre les Nations Unies en tant qu'état souverain et fut en théorie libre d'avoir sa propre opinion qu'elle soit en accord ou non avec la politique britannique.

    Le Canada connut un boom économique important après la Seconde Guerre Mondiale ce qui lui permit de s'investir financièrement dans des missions extrêmes. En effet, qu'il s'agisse de missions diplomatiques ou de l'envoi de troupes, un budget conséquent est nécessaire et la bonne santé économique du pays est donc primordiale.Les nouvelles alliances et relations économiques influencèrent le rôle que le Canada allait jouer au sein de l'ONU. Ce pays se devait de prendre en compte les  manifestations des opinions extrêmes de son proche voisin. Ainsi, après la Seconde Guerre Mondiale, le Canada changea radicalement de partenaire économique : désormais son principal partenaire ne serait plus la Grande Bretagne mais les Etats-Unis avec qui il fallait donc garder de bonnes relations pour maintenir la prospérité ce qui orienta la politique internationale de cette puissance moyenne et influença ses décisions au sein de l'ONU. (Robert Bothwell, 1989, p61-73)

    En 1945, le Canada apparut également comme l'une des puissances principales dans un monde où l'Europe avait été dévastée (Reg Whitaker, 1994, p 20). De même qu'en matière de politique économique, le Canada allait également s'allier militairement avec les Etats-Unis afin de s'assurer de leur protection en cas d'attaque sur le continent Nord-Américain. Ainsi des chaînes de radars furent installées sur le sol Canadien. On peut par exemple mentionner la présence de la Pine Tree Line, la Mid-Canada Line, le Fence McGill ou encore la Distant Early Warning Line qui fut maintenue exclusivement par des fonds et un personnel américains. Cependant en dépit des sentiments de bonhomie qui régnaient à la surface, l'inquiétude et les agacements existaient réellement si bien que parfois des questions quant à la souveraineté du Canada étaient posées (Reg Whitaker, </em />1994, p 3). De tels sentiments auront également une influence dans l'investissement du Canada au sein de l'ONU.


    3 commentaires
  • Le Canada et les missions extrêmes de l'O.N.U.

    Puissance moyenne, le Canada est souvent caractérisé par sa modération et son pacifisme et apparaît comme l'anti-modèle de son voisin américain. Pays calme qui fait peu parler de lui sauf en cas de froid extrême, le Canada réussit à faire entendre sa voix aux cours des Assemblées à l'Organisation des Nations Unies (ONU) concernant la guerre en Iraq au printemps 2003: une voix en désaccord avec son plus proche voisin. Situation extrême dans laquelle le Canada tenta cependant de rester modéré et de ne blesser personne. On peut se demander si une telle prise de position est un cas unique ou si au contraire ce pays s'est investi régulièrement au sein de l'ONU pour résoudre des conflits et a réussi à présenter une opinion personnelle et des solutions quant à la résolution des crises que le monde traversait. Pour cela il faut remonter aux sources de l'ONU et en comprendre son fonctionnement et la méthode de pensée des diplomates canadiens de l'époque.

    La création de l'ONU en 1945 marque le début d'une organisation jamais imaginée jusque-là dans un contexte géopolitique jamais vu puisque c'est le début de la Guerre Froide, une guerre idéologique qui scindera le monde en deux clans. C'est dans cette atmosphère que le gouvernement canadien va adopter une position unique dans la mesure où ses membres décident de prendre une part active aux missions de l'ONU et de relever le défi extrême de résoudre les conflits dans le monde.

    Pour comprendre comment le Canada s'est investi dans la mission d'influencer l'ONU, il faut chercher à comprendre les motivations qui ont poussé cette puissance de taille moyenne à changer radicalement de position après la Seconde Guerre Mondiale et à s'investir dans les négociations pour aboutir à la paix. Revenir aux sources de l'ONU c'est se pencher nécessairement sur la Conférence de San Francisco et analyser l'influence que le Canada a pu y avoir. Il faut évidemment revenir sur des conflits pendant lesquels l'ONU et le Canada sont intervenus. La Guerre de Corée et la Crise de Suez seront présentés en détails : ces deux conflits ont entraîné la participation des Grandes Puissances et sont le résultat des enjeux politiques de l'époque. Il est donc intéressant d'étudier dans quelle mesure le Canada s'investit pour trouver une solution et jusqu'à quel point il subit les manifestations de l'extrême c'est-à-dire des Etats-Unis.  


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique